Commentaire de l'article "Le jour où la lingerie est devenue féministe" par Laurianne Melierre
Les réseaux ont fait tomber sous nos yeux un intéressant article de Laurianne Melierre, journaliste aux Inrockuptibles. Il aborde la question du féminisme dans la lingerie contemporaine. Et ça nous a donné envie de commenter. Vous pouvez retrouver cet article en cliquant ici.
Une évidente opposition est posée. La lingerie d'antan ou celle de masse (comme Princesse Tam-Tam pour reprendre l'exemple de l'article), ne laissent guère le choix à leurs clientes: le confort et le sexy s'excluent l'un l'autre. L'image de la femme véhiculée est assignée à des standards dignes des supers modèles.
Le patriarcat règne en maître et le modèle du capitalisme bat son plein: on vend un rêve inatteignable, on crée le gap infranchissable entre l'égérie, l'icône sur la photo et l'acheteuse qui se procure la marchandise pour prendre part à un idéal factice, qui ne lui ressemble pas. Ce modèle est prégnant dans la mode. Nous extrapolons volontairement ce dernier point que les Inrocks effleurent avec pertinence.
Le tournant vient du web. Profusion des images, inspirations plus tranchées, images de femmes qui ne correspondent plus aux irréels canons. Nouvelles tendances, nouveaux styles, choix totalement à l'écart des circuits industriels. La journaliste trouve la pionnière chez Lonely en Nouvelle-Zélande mais nous aurions plutôt parlé d'Hopeless Lingerie qui fabrique à la main, propose des produits qui s'adaptent aux morphologies variées des femmes et renvoie une image très naturelle depuis 2008. C'est aussi elle qui crée une communauté et reposte les photos de ses clientes sans se soucier de la perfection de leur plastique.
Pourquoi écrire un commentaire sur cet article ?
Parce qu'il est très bien. Parce que ce qu'il évoque autour de l'amour de soi qui devrait être le slogan de toutes les marques est juste. Parce qu'évidemment le rapport entre la femme sur la photo et la cliente est à l'origine de pas mal de maux.
Mais il y a une chose qui cloche selon nous. C'est l'idée que ce qui se passe dans la lingerie en ce moment soit une mode. Car une mode ça se suit et ça se perd. Même si ça prend fort et que ça dure, le mot même de "mode" contient l'idée de discontinuité.
Or il serait grand temps que l'image des femmes ne soit plus une couverture que l'on tire à soi selon les besoins, que l'on façonne selon le moment comme on restyle les carrosseries des voitures pour coller à l'air du temps tous les deux ans.
Aussi, il nous semble nécessaire d'enfoncer un dernier clou quitte à ce qu'il casse le tasseau des idées reçues. Si l'industrie et le système médiatique sont coupables de fixer des standards de beauté inhumain d'un tacite accord, le public doit aussi faire amende honorable et reconnaître qu'il subit les mécanismes qui le poussent à consommer sans s'interroger sur ce qu'ils devraient lui apprendre de lui-même. C'est la question sous-jacente de l'éducation.
Enfin, si l'industrie est coupable de promouvoir ses vêtements sur des corps féminins extrêmement maigres, ce qu'il convient de condamner avant tout (juste après le problème de santé qui se pose) c'est le choix de toujours promouvoir UN type de physique. De toujours nier à la fois la variété et la personnalité DES types qui coexistent.
Parce que quand on dit "maintenant place aux rondeurs" puis "soyez fines" ou "masculines" le problème n'est pas le contenu mais l'alternance des injonctions et le fait qu'elle soit suivie.
Amour de soi, oui, sûrement un peu. Mais si c'est pour se mentir encore, ne pas se voir dans le miroir... si c'est pour plaquer sur soi une énième image qui n'est pas issue de nous, quel est l'intérêt ?
L'image de soi est à construire mais elle n'est pas une invention pure. Accepter qu'elle soit mouvante et multiple. Parfois dure. Qu'on hérite de toute une partie de soi sans avoir trop choisi.
Et comme le chantait IAM, faisant un petit rappel essentiel à tout projet pensant créer une tendance, n'oubliez pas qu'au départ, les modes, "ça [vienne] de la rue" !!!
Petit ajout: entre le moment où nous avons commencé à rédiger cet article et celui de sa publication, Nylon a fait un article sur le body positivism largement inspiré de celui des Inrocks. À lire, ça peut intéresser.