Faut-il être la plus narcissique des personnes pour voir le narcissisme partout ?
Il en va de certains articles comme de certains menus de restaurant: le dessert aurait fait une plus belle entrée et le plat est "de résistance" au sens propre. Le patron vous ressert gratuitement et on se sent obligé de finir comme quand mémé nous refilait l'expression mal gérée de son trop plein d'amour dans ses brioches ou son couscous. "Il est pas bon mon couscous ? ... Alors reprends-en j't'en prie !" Du coup, nous avons mis tout l'été à digérer cet article qui était signé Maïa Mazaurette quand il est paru sur GQ le 6 juillet dernier (mais qui ne l'est plus, dirait-on).
Cet article ne dit qu'une seule et unique chose: Si vous êtes victimes des pressions qui vous entoure sur les canons de la beauté, c'est de votre faute. Vous êtes aussi coupables de vous faire harceler sur les réseaux et de vous faire violer.
À un moment elle envisage que vous ne soyez pas les seules coupables mais à aucun moment elle ne tente l'analyse de la partie immergée de l'iceberg et préfère taper sur ce qui dépasse et qui, selon nous, n'est qu'un épiphénomène d'une problématique bien plus large - problématique que nous tenterons d'aborder en déployant les propos de Maïa Mazaurette dans une forme d'absurde.
L'auteure dit: "vous vous mettez dans des situations à risque". Elle dit aussi que les hommes ne se retrouvent pas dans ces situations, bizarrement.
Les pressions extérieures sur la beauté:
Vous êtes coupables de subir les pressions des canons imposés de la beauté car vous ne vous coupez pas assez du monde. L'auteure dit que vous choisissez mal vos lectures, vos publicités, vos films, émissions et leurs annonceurs. Comme s'il n'y avait pas derrière tout ça une industrie dotée de moyens, comme si son but n'était pas justement de se rendre inévitable, et dans les plus petits recoins de notre intimité, au fond de notre poche, sur l'écran de nos sms, mails... Il doit être possible de prendre le métro avec des œillères (ticket plus cher ?) et de résister aux stimuli ! Jamais on ne vous parle du fait que les annonceurs contrôlent largement la presse, les encarts publicitaires urbains et qu'il existe quantité de contenus qui donnent une image des femmes problématique qu'il est difficile de les éviter.
--> Pour installer Adblock dans la vie réelle, prière de passer par la section support>download du site de GQ
My body My Rules:
Il n'existe pas, selon Maïa Mazaurette, de moyen de s'approprier son corps et de décider de son image en se dévoilant et en se montrant. Son paragraphe est confus et part dans tous les sens mais sa conclusion est sans appel: toute démarche consistant à exposer son corps "à oilpé" est vaine. Aucune démarche artistique ne peut aboutir. Il ne s'agit pas de montrer qu'il existe des femmes différentes, non. Il ne s'agit pas de parler de variété. S'exhiber est sûrement mauvais par nature. Ce qui condamne quand même des pans entiers de la représentation que l'Homme a pu donner de lui-même à travers l'histoire.
De même, il n'est pas du tout question d'envisager qu'il puisse y avoir une guerre des standards. Soit t'es une cruche de consommatrice et tu subis les standards soit t'es une cruche de consommatrice en mal d'approbation. Aucune autre voix n'existe.
Le Porn Revenge ?
S'ensuit alors un paragraphe supposé aborder la question des garçons qui se vengent de leurs exs en publiant sur internet des clichés ou vidéos prises dans des moments d'intimité et de confiance, mais en fait non Maïa Mazaurette se met soudainement à parler de celles qui tombent entre les mains de photographes pervers.
Dommage qu'elle n'aborde pas vraiment le porn revenge. Nous aurions adoré connaître la part de responsabilité du narcissisme dans le cas d'un acte malveillant sur une VICTIME dont la confiance est abusée.
Le cas des photographes pervers et celui des agressions est finalement traité ensemble. L'argument est le même que celui du coach de Mike Tyson quand son poulain avait été accusé de viol dans les années 90. Descendre bavarder avec Mike Tyson était comme se balader dans le Bronx une Rolleix au poignet, une provocation. La victime est coupable. On détourne l'attention. On interroge l'innocent et on met en examen ses intentions trop pures. On vous reproche de ne pas être à la hauteur du monde violent qui vous entoure... Mais nous nous égarons.
L'idée sous-jacente à l'argumentation de l'auteure est LA SÉCURITÉ ! Pensez safe. Pas de comportements à risque.
--> Après les œillères et Adblock Mettez vous dans un vigipirate pemanent, craignez tout de l'autre, surtout si vous vous sentez bien avec. C'est votre faute. Voyez le mal partout !
En guise de conclusion:
S'il y a bien un narcissisme qui est coupable, coupable de ne pas tolérer l'existence de comportements autres que le sien, coupable de ne pas essayer de comprendre, c'est bien le narcissisme de celui qui parle "en dehors de la hype du moment" et "met les 4 pieds dans le plat". Il suffit de retenir des phrases comme "Objectivement comme subjectivement, l'expansion d'un narcissisme purement épidermique me rend dingue" pour se rendre compte qu'en réalité l'article qu'on a lu est une série de jugements purs, sans réflexion. Une séquence de prêt-à-penser qui se fait finalement l'avocat du diable.
Nous aurions à cœur de revenir sur ces questions par d'autres biais sur ce blog, en vous laissant la plume par exemple, en essayant de comprendre l'odieux "porn revenge" et ses mécanismes, le "slut shaming" aussi, le rapport entre la prédominance de certains standards féminins et les cultures, les religions, les systèmes économiques et de valeurs, en se demandant s'il est possible de faire le tri entre les différentes représentations de la femme à travers la publicité, les créations artistiques (avec ou sans bas résille).